> > > Bougerol Tuesday 19 March 2024
 


 
 
 
 
Foto Bougerol Guy Jacques , Recensione: AA.VV., Le Scuole degli Ordini Mendicanti (secoli XIII-XIV). Convegni del Centro di Studi sulla Spiritualità médiévale, XVII. 11-14 ottobre 1976, in Antonianum, 55/3 (1980) p. 508-514 .

Le thème du 17ème Convegno de Todi s'avère extrêmement important pour l'histoire de la culture et de la société médiévale. L'ambition des organisateurs pourrait paraître utopique. En réalité, les divers confé-reinciers ont renouvelé le sujet traité avec grand courage par des auteurs du début du siècle, C. Douais et H. Felder. Le plan du Convegno était fort logique et il faut regretter les quelques lacunes qui ne sont pas le fait de ceux qui l'ont pensé. Après une mise au point confiée au Prof. G. Arnaldi dans son discours inaugural, un tour d'horizon a permis de suivre le développement des « studia » des Mendiants en France méridionale, en Italie, en France du Nord, en Angleterre et en Europe centrale. Ce panorama exhaustif permettait une approche précise des différents problè­mes; culture et sainteté, « studia » et universités, législation des études chez les prêcheurs et les mineurs, prédication dans les « studia ». Un exemple concret d'enseignement, celui de Rémi dei Girolami à Florence ouvrait la voie à une étude approfondie des techniques d'enseignement, des bibliothèques des mendiants et de l'usage des livres dans les « stu­dia ». Il était impossible de ne pas illustrer l'ensemble des communications avec la chronique de Salimbene. Le Prof. C. Vasoli conclut le Con­vegno avec une synthèse remarquable sur la culture des Mendiants. Cette présentation laisse entrevoir la richesse du volume des actes que nous allons maintenant analyser.

Le discours inaugural du Prof. Girolamo Arnaldi  (9-32), a situé par­faitement le cadre  dans   lequel   devait   se  mouvoir  le   Convegno,   sans oublier les lacunes inévitables  dans  la réalisation  du projet  initial,  G. Arnaldi a raison de souligner la maigreur de la littérature consacrée au thème présent, et un décalage évident dans la méthode d'approche histo­rique. Seule pour le moment  demeure valable l'étude de Ph.  Delhaye, l'organisation scolaire au XHème siècle, parue dans Tradition 1947, 211-268. Quelle donc la réalité? Le XHème siècle voit disparaître les écoles monastiques  au  profit  des   écoles   cathédrales,  la   réforme   cistercienne accentue encore le processus en réduisant au minimum l'activité intellec­tuelle des moines. Les causes de cette décadence sont très complexes qui obligent à parler de la renaissance du XHème siècle avec beaucoup de circonspection;  peu ou pas  d'écoles  abbatiales,  quelques  écoles  auprès de quelques cathédrales, peu ou pas d'étudiants. L'Europe n'est en réa­lité, pas encore « christianisée » et dans le même temps, naît un grand mouvement de contestation qui va se cristalliser peu à peu dans ce qu'on appelle «l'hérésie médiévale». A ce point le Concile de Latran III (1179) prend sa pleine valeur. Avant de réprimer l'hérésie, il faut alphabétiser et évangéliser le peuple. Il était important d'éclairer les textes conciliai­res et les dispositions pontificales par des exemples concrets tels celui de Foulques de Neuilly qui, de méchant curé ignare devint, après sa con­version et des études à Paris, un très grand prédicateur. Pierre le Chantre son professeur, était lui-même convaincu de la nécessité de l'étude pour la prédication. La leçon du maître est elle-même une prédication à l'école avant que, dans l'église ou sur la place, il en vienne  à s'adresser au peuple. G. Arnaldi souligne très utilement  la  difficulté du thème envi­sagé, car parler des écoles des mendiants ne doit pas faire oublier les efforts qui les  ont  précédées,   et   de   plus,   on   semblerait   oublier   les contrastes évidents présentés par les origines dominicaine et franciscaine, par la prolifération des ordres mendiants jusqu'au Concile de Lyon (1274), par la naissance des différentes écoles doctrinales chez les mendiants. Un exemple éloquent nous le trouvons déjà dans l'opposition entre les deux phases du conflit séculiers-mendiants de Paris: dans la première phase tous les mendiants sont unis contre les prétentions des séculiers, alors que dans la seconde, Thomas d'Aquin et Bonaventure polémisent. G. Ar-naldi ayant ainsi clairement défini le cadre du Convegno, une table ronde a ouvert le cycle des relations, pour offrir un panorama géogra­phique, chronologique et statistique de la distribution des « studia » dans la chrétienté. Paul Amargier présentait le premier tableau de la France méridionale (35-48), mettant en évidence le rôle joué, tant chez les domi­nicains que chez les franciscains, par les « studia » de Toulouse de Mont­pellier et d'Avignon. Mariano d'Alatri a décrit minutieusement les « stu­dia » d'Italie (49-72), autant que les documents permettent de situer dans l'espace et dans le temps, les couvents pourvus de lecteurs dans les différentes provinces, les « studia » de grammaire, de logique, de philo­sophie et de théologie. En 1279, les grands couvents avaient tous un lec­teur. Colette Ribaucourt a présenté avec des cartes suggestives, les « stu­dia » de la France du Nord et du Centre, avec des éléments précis sur le « studium générale » de Paris. Joanna Cannon a fourni aux actes du Con­vegno un travail très riche qui n'avait pas été présenté en séance, sur l'Angleterre (93-126). Jerzy Koczowski a su tirer parti des rares docu­ments pour décrire l'état des « studia », dont beaucoup chez les domi­nicains, quelques-uns chez les franciscains. Il est intéressant de noter que le développement des études se situe beaucoup plus tard en Europe centrale et il semble que la création de l'université de Prague en 1336 ait donnée le coup d'envoi d'une progression des « studia » en Autriche et en Pologne. Cette table ronde était évidemment plus un « status quaestio-nis » qui ouvre la voie aux recherches ultérieures.

L'arrivée en chrétienté des ordres mendiants a-t-elle modifié le canon de la sainteté? André Vauchez a montré comment la sainteté reconnue suit les impératifs historiques que mettent en lumière les procès. Si après Latran III (1179) on trouve surtout en Angleterre, des saints évêques très cultivés, le XHIème siècle s'ouvre sur un retour à une sainteté plus popu­laire, François d'Assise, Antoine de Padoue. Dominique et Yves représen­tent l'élite cultivée. Au XlVème siècle, au contraire, Louis d'Anjou est le premier intellectuel canonisé du moyen âge, alors que chez Thomas d'Aquin, l'homme s'efface devant l'oeuvre, les miracles devant les articles de la Somme. La papauté d'Avignon annonce un renversement de ten­dances avec un courant de sainteté anti-intellectuelle représenté surtout par des femmes. La prolifération des studia a-t-elle joué pour ou contre le développement des universités? Jacques Verger s'est attaché à distin­guer les deux niveaux auxquels se situent les rapports entre « studia » et universités: le niveau du contenu des études et le niveau des institutions. Si les mendiants se sont installés dans les centres universitaires dès les origines, il semble que leur vocation à la prédication les ait conduits à profiter de la qualité évidente de l'enseignement prodigué par les uni­versités, en même temps que la présence d'une jeunesse étudiante par­ticulièrement bien disposée et très ouverte au renouveau de la chrétienté ait favorisé largement le recrutement des dominicains et des franciscains. Au niveau des institutions, le problème semble insoluble:  comment l'uni­versité soucieuse de défendre ses privilèges peut-elle accepter des maîtres attachés à suivre plutôt les directives propres à leur ordre? La personna­lité de quelques séculiers tels Guillaume de Saint-Amour a créé un conflit violent à Paris, alors que dans de nombreux centres universitaires, Pa-doue, Toulouse,  Salamanque,   mendiants   et   séculiers   sont   arrivés   très vite à une entente bonne et durable. Un autre problème capital est celui de l'organisation interne des études dans les différents ordres mendiants, en particulier chez les dominicains  et  chez les  franciscains.  Giulia Ba-rone a pleinement mis en lumière les contrastes annoncé par G. Arnaldi dans le discours inaugural. Dès l'origine, tout couvent dominicain est une école, ce qui explique l'harmonieux développement  des  études  chez les dominicains. Chez les franciscains, par contre, l'étude n'a pratiquement jamais été organisée en tant que telle; seules les circonstances externes ont fait que dans la mesure où s'est étendue et fixée la cléricalisation, ls « studia » se sont peu à peu installés. Mais jamais la législation fran­ciscaine n'a systématisé une rubrique:  De studio, comme chez les domi­nicains. L'activité intellectuelle des frères entre toujours dans la rubri­que: De occupatione fratrum. Ceci est très significatif et explique l'aspect chaotique offert par la carte  des   « studia »  franciscains,  en  dehors  de Paris. Là aussi, l'arrivée providentielle d'Alexandre de Halès a crée une circonstance favorable pour l'organisation du « studium générale ». Il faut attendre Benoît XII pour atteindre à une certaine stabilité. Il est d'ailleurs à noter que, contrairement aux dires de G. Barone et d'autres conférenciers, les Constitutions qui ont suivi la bulle Redemptor noster n'ont jamais dénoncé les dispositions du pape réformateur; il suffit de se référer au précieux document de Cl. Schmitt, Benoît XII et l'Ordre des Frères Mi­neurs, Quaracchi 1959, pour en être convaincu. Les relations précédentes avaient mis en lumière l'ambiance dans laquelle se sont développés les «studia»  des  mendiants.   Les   relations   suivantes   devaient   étudier   le fonctionnement interne des écoles. Et tout d'abord, comment l'on y prêchait. La relation que j'ai personnellement donnée (249-280), a voulu être une illustration par des textes, la plupart inédits, de l'importance capi­tale  de la  prédication  chez  les  mendiants.  Aussi  bien  les  dominicains que les franciscains ont eu une conscience aigûe de la mission confiée à eux par la papauté:   prêcher est une fonction magistrale, disait Pierre le Chantre; prêcher devient pour les mendiants la forme privilégiée de l'évangélisation et de la lutte contre l'hérésie. Charles T. Davis sut mon­trer concrètement comment se déroulait la vie d'un lecteur, Remigio de' Girolami OP, lecteur à Santa Maria Novella de Florence. A son tour, AI-fonso Maierù a renouvelé totalement dans sa relation, Tecniche ai irise-gnamento (302-352) la documentation donnée dans des études antérieures. Les  sources  d'information  sont  naturellement  abondantes  pour l'ordre dominicain,   déjà   plus   vagues   pour   l'ordre   franciscain   et   rares  pour les augustins et les carmes. Il faut d'ailleurs remarquer que les docu­ments officiels n'inventent pas, ils urgent plutôt une pratique bien assise et fructueuse, de sorte qu'il est toujours possible d'inférer d'une des dispo­sitions législatives en apparence tardive, à un usage déjà implanté depuis longtemps. Dominicains et franciscains entendent l'étude comme une pré­paration au ministère de la prédication et de la confession. Mais il diver­gent sur le sens à donner au mot « étude »: si les dominicains l'entendent comme un élément essentiel de leur charisme, les franciscains fidèles en cela  à  saint  François,  n'ont  jamais   considéré  l'étude  que  comme une occupation entre les autres. L'intérêt majeur de la relation d'A. Maierù réside dans l'effort tenté pour donner aux mots leur sens précis, malgré le peu de clarté des documents. Et tout d'abord, il importe de bien classi-fier les  « studia »:   « studia grammaticalia » que fréquentent les  «pueri saeculares » et où les enfants sont tenus de parler entre eux latin, les « studia naturalia », « studia philosophiae » réservés aux novices chez les dominicains, aux jeunes profès chez les franciscains qui n'ont pas suivi auparavant la faculté des arts, enfin les  « studia theologiae ». Les livres utilisés vont de Priscien aux Sentences de Pierre Lombard. La Bible tient la première place, à propos da laquelle A. Maierù précise le sens des mots, « cursor »,  « biblicus »,  « lector »,  « légère ordinarie », légère extra-ordinarie ».   Viennent   ensuit   les   actes   scolaires,   « lectio »,   « repetitio », « collatio », « disputatio ». Le rôle de la mémoire est prépondérant en un temps où le parchemin coûte fort cher et les livres sont rares. A la fin de son exposé, A. Maierù donne un éclairage intéressant sur l'enseigne­ment de la logique pour mettre en évidence la nécessité capitale pour la théologie, d'une logique qui tienne compte du caractère révélé du contenu de la science théologique. Dans une relation extrêmement suggestive, Raoul Manselli a étudié l'évolution de deux bibliothèque de « studia », celle de Santa Croce de Florence et celle du Santo de Padoue. La personnalité des bibliothécaires a donné une impulsion caractéristique au choix des livres qui tourne autour de l'humanisme florentin à Santa Croce et qui, à Padoue, privilégie  les  classiques   avec  en  tête,   Sénèque.   Comme  un complément   indispensable   à   la   substantielle   étude   d'A.   Maierù,   Ga-briella Severino Polica a développé un thème important, Libro, Lettura, Lezione. De fait, on y saisit sur documents la divergence fondamentale entre les idéologies dominicaine et franciscaine. Pour les dominicains, le livre est un instrument de culture alors que chez les franciscains la con­tradiction est flagrante entre l'existence des livres d'une part, et d'autre part, la vocation évangélique où ne  figure par l'étude comme élément esesntiel et le caractère de la prédication franciscaine. Les conséquences pratiques apparaissent aussitôt. Chez les dominicains, la circulation des livres est strictement réglementée leur copie est confiée à des profession­nels étrangers à l'ordre et l'on relève une continuité évident entre la culture écrite et la prédication.  Chez  les  franciscains,  au  contraire  il n'existe aucun lien vital entre le savoir et le dire, le prédicateur devant puiser dans la prière son inspiration et vivre d'abord ce qu'il prêche, la copie des livres comme leur étude fait partie des occupations des frères, la circulation de l'écrit est  sans  cesse  confrontée  aux exigences  de  la pauvreté. Comme un délassement agréable et instructif, Ludovico Gatto a relevé dans la Chronique de Salimbene les faits  saillants comme en une fresque vivant où paraissent  les  maîtres  et  les   « dictatores »,  les « cantores » et les « locutores ».

Le Convegno s'est achevé sur un magistral exposé du Prof. Cesare Vasoli, choisi, comme le disait G. Arnaldi pour son objectivité d'histo­rien. Les ordres mendiants sont nés comme une réponse aux nouvelles nécessités du temps, et à l'exigence de vivre le message chrétien en pleine conformité avec la parole évangélique, mais aussi comme une réponse au besoin d'élaborer des instruments originaux pour affronter, avec une mé­thode nouvelle, le difficile dialogue avec une réalité mondiale très éloignée des structures et de l'assiette sociale des siècles précédents. Les men­diants à l'encontre des moines, habitent un monde ouvert, ouvert à la culture arabe et byzantine, ouvert aussi à une utilisation différente du matériel scripturaire et patristique hérité du Xllème siècle. Il nous est impossible de résumer l'analyse extrêmement riche de C. Vasoli, dans la­quelle il a montré comment par des voies différentes, les deux grands ordres dominicain et franciscain ont réalisé leur mission culturelle. Le Convegno de Todi pouvait difficilement mieux se clore et nous ne sau­rions mieux faire que renvoyer le lecteur au texte du Prof. C. Vasoli. Les actes de ce Convegno forment donc un ensemble qu'il sera désormais impossible d'ignorer, si l'on veut comprendre le moment historique de l'apparition des ordres mendiants et la manière dont ils ont su témoigner au monde le renouveau évangélique dont ils furent les initiateurs au­thentiques.


 


 


 


 


 
 
 
 
 
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